Patrons et employés Etre sur la même longueur d'onde

Inconfort des fournils, horaires de travail sans réel contrôle, heures supplémentaires non rémunérées… ce qui paraissait normal dans les années 80 ou 90 ne l'est plus aujourd'hui. Le métier a évolué, les repères aussi. L'effort n'est plus une valeur en soi, mais un moyen accepté au service de la passion et de l'épanouissement personnel, érigés en valeurs suprêmes.

Deconnecting peopleCéline Poil, responsable de clientèle chez Armor Diffusion, un cabinet de recrutement spécialisé en boulangerie-pâtisserie (région Île-de-France), estime que se plaindre de l'incompétence ou de l'inadaptation de la jeune génération d'ouvriers fait partie de ces convictions « à l'emporte-pièce » qui ne font pas avancer les choses. « Je crois plutôt qu'employeurs et employés ont du mal à être en phase aujourd'hui du fait des évolutions du métier. En 15 ans, beaucoup de choses ont changé… Les priorités d'aujourd'hui ne sont plus celles d'hier. Les exigences du patron doivent s'harmoniser avec celles du salarié.Chacun doit mettre de l'eau dans son vin et être dans une disposition d'ouverture, sinon le courant aura du mal à passer. L'intervention d'un professionnel en recrutement permet justement de voir ce qui peut fonctionner et de réajuster ce qui peut coincer. Les patrons devraient se mettre plus souvent dans la peau d'un chercheur d'emploi et se dire en eux-mêmes : si j'étais à sa place, qu'est-ce que je voudrais ? », indique-t-elle.

Les exigences du patron doivent s'harmoniseravec celles du salarié.

Les bons mots « Évidemment le salaire, les horaires et les jours de repos sont des avantages qui parlent d'emblée aux salariés, mais l'ambiance avec les collègues, la relation avec le patron, l'environnement de travail ou la possibilité d'évoluer peuvent aussi peser dans la balance. Laisser la liberté d'initiative et la créativité s'exprimer est un moyen de faire confiance et de motiver. À cet effet, il ne faut pas oublier que les boulangers et pâtissiers ont un profil technique. Un laboratoire aux normes, des équipements récents, des fabrications de qualité sont autant de satisfactions professionnelles. Mais l'artisanat est aussi un métier de coeur où l'affectif a son importance. Les salariés qui se sentent respectés et valorisés resteront plus facilement. En un mot, il faut être MO-DER-NE dans la manière de manager son équipe. Il existe de multiples solutions faciles à mettre en oeuvre ! », ajoute Céline Poil (voir encadré). Le malaise viendrait donc des entrepreneurs qui, à force de vivre « la tête dans le guidon », perdraient de vue les évolutions sociales ? « L'incompréhension est dans les deux camps, poursuit-elle. Certains chercheurs d'emploi sont aussi parfois totalement déconnectés de la réalité du marché et leurs exigences sont intenables pour un employeur. Se mettre au diapason avec les besoins de l'entreprise et arrondir les angles sont toujours préférables. » En fait, le terme de « marché du travail » doit fonctionner dans les deux sens : l'offre doit se rapprocher de la demande et la demande doit se conformer à l'offre.

par Armand Tandeau (publié le 5 mars 2012)